Littérature critique. Réceptions
d'ouvrage. Orientation dans le P.L.F.
100 Alpinistes
Editions Guérin (où Paulsen?)
Franchement, un livre impressionnant, beau et intéressant*.
Ce point de vue subjectif est modéré par une note plus objective: le pavé reste peu pratique en course, nécessitant l'engagement
d'un porteur diplômé sous-payé, par son poids et volume rédhibitoire (au moins 5 kg et frisant le format A3).
Présentation détaillée par l'éditeur ici, avec liens aux nombreux articles "critiques" parus.
Notes qu'en aucun cas nous ne tenterons d'égaler ici (et que nous préférons ne pas lire pour oser émettre le moindre mot)
Difficile
d'ignorer cet ouvrage monumental, support
prestigieux, papier et photos (NB ou couleurs) superbes, alignant
portraits d'humains simiesques ou lézardesques fusionnant à de
terrifiantes escalades et sommets, célébrités humano-rocheuses liées à
jamais par le même prestige, la même nostalgie
funéraire...
Rédigé par 100 auteurs parlant chacun d'un des 100 alpinistes
choisis, maîtres, modèles ou cibles secrêtes, au coeur de leur passion, ce livre
constitue une anthologie de la passion alpine plutôt qu'un top 100
d'alpinistes besogneux autant qu'admirables. Passion livrée avec son
quintal de souffrance compétitrice au premier
plan, tant reviennent inévitablement les épuisantes listes de courses,
CV
s'écrasant les uns les autres, attestant de la fuite vertigineuse
vers (ou dans) le mur de pierre et de glace final où tout sera
accompli. Hymne et
contribution ISO 2015 à la culture alpine classique dont les valeurs de
pureté
et liberté proclamées diffusent goût du sang et recherche aveuglée d'un
quelconque sens dans cette course à la reconnaissance
narcissico-granitique (mais pas toujours?). Course au paradis vertical
qu'on sait bordé d'interdits sportifs, de morale élitiste musclée et
toujours l'olympique et quasi-universelle
télé-virilité...
Difficile de bouder pourtant l'apport d'auteurs, écrivains
réputés, montagnards ou grimpeurs classiques ou en vue: leur effort
mérite le détour, chacun a donné le meilleur de lui-même,
réflexion et écriture. Sans oublier parfois de grimper sur
l'épaule du prédécesseur (on aurait tort de s'en priver, d'autant
qu'assez souvent, ceux qui écrivent sont un peu plus loin décrits par
un plus jeune encore). Au total, cette mine pour anthropologue, est une
base historique, géographique, motivationnelle,
poético-scientifique remarquable et inédite. De quoi satisfaire tout
passionné, amateur, professionnel, fou ou obsessionnel, bref, chaque
universitaire alpin obsédé par
l'ombre de la pente, ombre glaciale difficile à
séparer de celle plus froide encore des maîtres précurseurs,
explorateurs des limites qu'on franchit aussitôt que sont dépassées les
bornes.
Malgré l'évident défaut de marketing qui fait vendre ce bouquin de
100cordées (auteur et héros liés) au prix attractif et traître de 99
euros et non 100, comme l'aurait
commandé l'honnêteté minimale, ou un calcul de réputation qu'on aurait
voulu à la hauteur d'un objet idéalisant à ce point le projet
alpiniste, on ne regrette pas la possession de cet objet. Ni de se
l'être fait
offrir puisque en toute chose, l'économie à son mot à dire bien que
nous ne soyons aucunement matérialiste.
Bref, pourquoi parler à nos étudiants d'un livre pour lequel ce rapport
ici présent, sérieux et peu inspiré, n'apportera nul avantage à
l'éditeur: nos disciples ont une telle liberté d'esprit que l'avis du
professeur leur importe
autant que... que... (on m'a compris)? Voici la réponse: peut-être une
sagesse naissante pousse-t-elle à ne pas tout descendre? Ou bien un
enthousiasme inespéré, inhabituel a-t-il franchi notre
carapace de cuir de bouquetin? Peut-être avons-nous ressenti (il n'est
jamais trop tard) le bruit du vent qui faisait vibrer autrefois les
violons de l'armature métal du sac à dos? Peut-être le temps des
visions, des mémoires sentimentales, de la nostalgie du désespoir
est-il arrivé?
NDLR: Paragraphe
à revoir (peut-être tout le texte, merci, ceci a été
visiblement produit par un état de fatigue déplorable).
Bref, la beauté de l'ouvrage et de l'effort à le concevoir,
le sentiment cosmique qui émane de cet improbable collectif d'auteurs
oblige à taire honteusement les borborhygmes de la critique
systématique
envieuse qui nous empoisonne jour après jour.
Que l'on sache, et nous en finirons là, qu'entre un Rébuffat, apprécié autant qu'un Lachenal (par
Etienne Klein), des Terray, Profit, Edlinger ou Berhault (et réciproquement), Escoffier, Beghin
et tant d'écrasants himalayens dont beaucoup d'étrangers (tout de même souvent européens), des Messner (et pas Messmer) ou
Bonatti, des notabilités genre Devies ou des inévitables (désormais
déstatufiés) comme Herzog, au milieu de tant de visages
DonGervazuttesques, entre ces fenêtres témoignant de l'humanité jouant salement avec la mort (on peut
discuter du "salement"), découvrir pour la première fois (c'est notre cas, oui!) un Jordi Corominas, grimpeur solitaire
capable de n'en pas parler ni rapporter de photos et un Patrick
Gabarrou,
aimant pour de bon la montagne, même aux antipodes de
l'exploit, (et encore d'autres?) vaut la peine. Au point qu'on dira
sans hésiter à ceux qui ont fait ce coup-là: merci pour ces moments!
Pour le collège de critique littéraire: Alain Chellous
* Liens d'intérêt: a priori, aucun, nos professeurs ne sont pas publiés
chez l'éditeur en question. On espère quand même qu'un jour, cette
générosité infinie saura trouver en écho, une gratitude de même qualité.
Directrice: Noëlle
Arrity
Enseignants-Chercheurs:
Gaétan Bufforts, Aurore
Chemigez, Elie
Cuvidens, Marie Desnones
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