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Monter au ciel


 clouzis

 

Il a fallu qu’on te déclare mourant.


La première fois, tu avais consulté parce que l’angoisse et la honte te clouaient au sol. Te volaient ta vie. Au bout de trois ou quatre ans, l’esprit allégé, tu avais décollé et je t’avais cru parti pour longtemps…

Deux mois plus tard, tu atterrissais en catastrophe chez l’oncologue. Dans le ventre, une tumeur au pronostic effroyable. Commença alors une lutte sans merci. Opérations, traitements de choc, réanimation hallucinée. Autour de toi, une kyrielle de spécialistes déterminés à tout faire pour que tu vives. Objectif mobilisant toutes les forces et t’obligeant donc à taire la question principale. Celle que ton corps gémissait, que ton affolement face aux échéances médicales ou chirurgicales trahissait. La peur de la mort.

Les mois, les années ont passé. Défiant les médianes de survie, tu surprenais, tu durais. Tu devins un cas exceptionnel, une célébrité de congrès, un être qui ne t’appartenait plus. Enchaînant les protocoles expérimentaux les uns après les autres, marqué par les traitements, grossi puis amaigri, teint gris puis rougeaud à l’excès, titubant un jour avant de ressusciter. Dix années à tenir, à souffrir. Jusqu’à l’effondrement.

Un jour de printemps, on t’annonça qu’on jetait l’éponge. Restait quelques semaines à tout casser. Arrêt des protocoles expérimentaux, passage en régime « fin de vie » et traitement palliatif. En prime, on confisqua ta carte vitale, tu ne relevais plus du monde des vivants.

Le soulagement fut immense, immédiat. Pour la première fois de ta vie, l’angoisse évanouie, tu étais libre. Tu t’es levé. Te croisant dans le couloir de l’hôpital, le médecin n’en crut pas ses yeux.

Ta vie t’appartenait désormais ! C’est alors que tu décidas de réaliser ton rêve. Tu allais voler. En parapente. Plus rien ne te faisait peur sinon la météo qui pouvait tout faire capoter.

Cette graine de bonheur, tu l’as dégustée dans le ciel. Et sans carte vitale. Tu me l’as fait goûter avec un sourire rayonnant, tu m’as montré tes photos, tu m’as raconté.

Trois mois plus tard, enthousiasmé par ce sursaut incroyable, on te proposait une nouvelle chimiothérapie.  Comment refuser ? La parenthèse terminée, l’angoisse revenue, tu as entamé la dernière partie. Sans jamais retrouver, que je sache, ta carte vitale.

 

 lautaret


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