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L'Oeil du Dauphiné


Estif

Sud de Serpaton

 

L’été est propice au dubitatif plus qu’au festif.<--break->

Le philosophe maison, soupçonneux, m’a rétorqué froidement que c’était le cas de toute saison. D’ailleurs, ajouta-t-il, le temps est versatile. Pas une raison pour différer votre compte-rendu d’opération: on s’impatiente à la direction.

Saisissant la balle au bond, j’ai répondu présent:

 

Cher collègue, mon rapport sera bref.

J’ai suivi à la lettre ma mission, effectuant plusieurs visites sur le site en question sans jamais dépasser les limites horaires du mi-temps thérapeutique que mon irritabilité pathologique a justifié. Soyez assuré qu’en remontant à quatre pattes les pentes vertigineuses de la pensée en action, me coltinant ces kilooctets de colloque citoyen, j’ai incontestablement contribué à l’élévation des débats par une retenue et un silence exemplaires. Réussite facilitée par une entorse du poignet gauche datant de ma dernière colère et m’interdisant le clavier.

Usant mes semelles Vibram® sur ces terrains féconds, j’ai trouvé à ma grande stupeur quelques fossiles argumentaires dignes de nos étudiants de première année, eux dont le sang sous-oxygéné abrutit la raison. Je n’en ferai pas un catalogue exhaustif, vous avez mieux à faire, mais je tenterai d’apporter ma pierre minuscule à l’édifice de rigueur qu’ici, autant que chez nous, il nous faut établir.

Deux thèmes récurrents (parmi d’autres) excitent les passions, collectionnant sophismes ou illusions : primo, le climat (effet de serre et dérèglement climatique), secundo, la psychanalyse. Deux thèmes au potentiel inflammable convoquant chacun la Haute figure de la Science dont chacun attend le verdict sacré et discriminatif, un figure dont trop souvent, on ne retient que l'étiquette. Voyez comme la religiosité, la croyance, échappent en ces lieux qu’on croyait agnostiques, à la menace qui plane sur la diversité des espèces.

Laissant de côté provisoirement le deuxième thème, je ne donnerai qu’un exemple à propos du premier. Sur un fil climatique, j'ai retrouvé cette analogie qu’en son temps proposa le grand Allègre Claude. Pour détruire du clin d’œil de l’évidence toute prétention à prédire l’état futur de l’atmosphère à long terme, le géochimiste rappelait à quel point la météo à quinze jours restait imprévisible : comment dès lors, prédire le climat du siècle à venir ? (i) J’ajouterai pour ma part, pardonnez-moi, que l’impossibilité à garantir l’heure d’une naissance interdit toute prétention à estimer la durée moyenne d’une grossesse.(ii) Bref, vous m’avez compris cher collègue, on confond encore (et ici !) météo locale et climat planétaire, on patine en terrain sec. J’en ai fini.

 

Mon interlocuteur m’a regardé effaré, souriant de ma naïveté. Il m'a dit:

Mon pauvre ami, vous découvrez aujourd'hui qu’on prend souvent l’intuition du matin ou l’image, la photo pour la preuve. Croyez-vous qu'un médecin qui nous parle de science échappe si facilement à la puissance de la perception, de l'immédiateté? C'est ce principe du « post hoc ergo propter hoc » (après cela donc à cause de cela) qui lui confirme l’efficacité du traitement qu'il a justement administré... Quant à l'échec du traitement que souvent le patient dissimule, il sera vite attribué à une résistance obstinée du patient refusant de guérir. (iii)

Comprenant à son ton condescendant que je l'avais déçu, j’ai bafouillé que la chaleur estive, la torpeur de l’été, la vision prolongée des écrans m’avait fait oublier le monde réel. Que, promis, une fois dissipée l'estivité de mon état, je ferai mieux la prochaine fois. Plus clair plus ordonné. Plus scientifique.

 

 

(i) Le livre de Sylvain Huet, « L’imposteur, c’est lui » présentait de façon percutante les argumentations (étonnante!) du scientifique. Sur MDP, plusieurs articles et textes de Jade Lingaard ont abordé le cas Allègre, par exemple ici.

(ii) Difficile de ne pas évoquer la réalisation alpine de notre collaborateur en 2013, vidéo de 2’30'', inspirée par l’évolution climatique locale.

(iii) Cf. la thèse (remarquable) de philosophie (2010) de Rémy Boussageon, L’efficacité thérapeutique. Objectivité curative et effet placebo. La perception du malade (et aussi du médecin) est la suivante: je me sens mieux après avoir pris un médicament, c’est donc ce médicament qui m’a soulagé. On ne peut nier l’expérience du patient, son ressenti, mais on peut ne pas être d’accord sur l’explication de cette efficacité. Pour la médecine scientifique, la «guérison ne prouve rien ». En pratique, la prudence n'est pas toujours de mise...





Texte publié sur le blog médiapart d'Alain Chellous le 18 juillet 2014



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