Gérard, es-tu sur la liste

des principaux minimalistes

 

 

Gérard, es-tu sur la liste _  des principaux minimalistes ?

As-tu bien vérifié ? Ne t’es tu pas trompé ?

Ton pedigree n’est pas mauvais, le galbe du mollet parfait,

Et puis dans ta famille, on court, on trotte, on saute de père en fils.

On communie en bénissant l’acidose lactique, on chante les cantiques, 

« Sur l’avant-pied, par les sentiers, tu monteras au ciel mon fils,

Et baiseras humblement les fivefingers du saint esprit »

 

Tu sais, Gérard, t’as p’têt pas l’profil d’un Trader mais comme Trailer, t’es un Killer !

 

Déjà tout p’tit, tu galopais comme un poney, un âne, un mulet,

Le paternel t’éduquait avec une claie, te chargeait de cageots, de caisses, de sacs à dos,

Tout ça ficelé avec un gros Sandeau, et quand tu avalait ce putain d’raidillon,

 

T’étais beau Gérard, t’étais beau.

T’as souffert grave avec tous ces portages jusqu’au jour où…

Jusqu’au jour où t’as eu l’éclair du génie, un court-circuit du cortex, des électrons dans l’quadriceps

L’univers a basculé, les références explosées, t’étais tout illuminé et t’as gueulé, t’as gueulé

 sur la crête du bonhomme, au val ferret, à la fenêtre d’arpette et même en doublant le téléphérique du Brévent, t’as gueulé à couvrir les cris des chocards, des chamois, des touristes, t’as gueulé :

Trop chargé, ça pourra jamais aller ! ça va changer !

 

Tu sais, Gérard, t’as p’têt pas l’profil d’un Trader mais comme Trailer, t’es un vrai Killer !

 

Alors t’as sondé le secret du désir, l’inconscient d’la pente et d’la descente,

Tu t’es mis à courir sans jamais t’arrêter, tu t’es dit :

« J’ai beau m’éclater sur les rochers et les glaciers, j’oublie pas

Qu’ma vocation première, c’est d’galoper en short rose et débardeur ! »

Tu t’es souvenu qu’un jour, t’avais vu une troupe au ralenti qui décollait de Chamonix,

T’avais dit : « merde, pour courir, j’suis pas le dernier  et j’ai une sacrée envie de les allumer, les piler, les plier, les humilier ! »

Alors ça t’as pris, comme une envie d’pisser, t’as décidé de postuler au tout dernier UTMB !

Tu sais, Gérard, t’as p’têt pas l’profil d’un Trader mais comme Trailer, t’es un vrai Killer !

 

Le problème, Gérard, c’est qu’en toute chose, faut d’la d’modération

mais ça, Gérard, tu connais pas, toi qu’a toujours peur d’être en retard

Alors comme tu savais qu’pour bien trailer faut s’entraîner,

t’as pas fait les choses à moitié, T’as tout plaqué, copine, copains, même ton père trop sédentaire

T’as commencé à t’alléger, cumulé les kilomètres, avalé des quantités d’riz, des tonnes de féculents, des kilolitres de liquides sucrés sacrés énergétiques, des sels spéciaux et d’l’EPO en tonneaux.

T’avais un agenda d’ministre des sports, course matin, midi et soir, jours et nuits, comptage de calories, tu montais, tu montais et un jour t’as oublié d’redescendre et, c’était écrit,

T’as fini par doubler Le Seigneur Dieu au col de Balme,

T’avais pris un grand coup d’endorphines ou bien c’est le sucre qu’avait baissé,

 

L’autre a gueulé qu’t’étais perdu, qu’t’étais foutu si tu bouffais pas immédiatement tes snickers, tes amandes, tes raisins secs, Alors, vexé, t’as répondu :

« Tu sais, mon Dieu, j’ai p’têt pas l’profil d’un Trader mais comme Trailer, j’suis un vrai Killer !

T’es p’têt pas l’seul à connaîtr’ la vérité, tu m’as p’têt mal regardé et tu comprends visiblement rien,

Parce que, mon Dieu, j’vais t’affranchir, moi comme tu m’vois, j’vais trailer jusqu’à crever, promis, juré, J’vais  m’entraîner toute la sainte journée parce que mon p’tit, j’vise une bonne place, catégorie amateur, alors au lieu de sortir des conneries, aide-moi, le tout-puissant, ramène moi des médailles ! »

 

Depuis ce jour, Gérard, tu fais des ultra-trails à la pelle et

T’es devenu un bon croyant, que ta douleur soit sanctifiée et ton visage à la télé !

 

Tu sais, Gérard, t’as p’têt pas l’profil d’un Trader mais comme Trailer, t’es un vrai Killer !

 Version  audiovidéo